Revues prédatrices : une menace systémique pour la connaissance et la confiance
Dans le paysage scientifique mondialisé, les revues dites "prédatrices" prolifèrent, brouillant la frontière entre savoir et imposture. Se présentant comme légitimes, elles exploitent le modèle auteur-payeur pour monnayer des publications sans véritable évaluation par les pairs. Leur expansion menace la crédibilité de la recherche, contamine les décisions publiques et mine la confiance dans la science. Une alerte de Gérard Friedlander, Manuel Tunon de Lara, Christine Clerici et Pierre Tapie, parue dans La Tribune le 16/12/2025.
Dans un monde où l’information scientifique circule à grande vitesse, les revues "prédatrices" se sont imposées comme un parasite discret mais redoutable. Ces revues sont des publications qui se présentent comme des revues scientifiques légitimes, mais qui ne respectent pas les standards fondamentaux de l’édition scientifique, notamment l’évaluation par les pairs, l’intégrité éditoriale, la transparence et la gestion éthique des articles. Elles capturent une part croissante de la production académique mondiale, tout en sapant les fondements mêmes de la confiance scientifique. Longtemps perçu comme un problème lointain, ce phénomène concerne désormais directement la communauté de l’enseignement supérieur, de la santé et même de l’économie. Personne n’est à l’abri : ni les chercheurs chevronnés, ni les cliniciens pressés, ni les institutions soumises à la pression des classements et des indicateurs bibliométriques.
Un modèle économique fondé sur la confusion
Les revues prédatrices exploitent une ambiguïté : celle du modèle auteur-payeur (APC), désormais dominant dans l’espace numérique librement accessible (open access), mais encore mal compris. Le changement de modèle financier a été une petite révolution dans l’édition scientifique : le passage du " lecteur-payeur" (à travers des abonnements payés par des personnes physiques ou morales) à "l’auteur-payeur" a profondément modifié les stratégies des groupes de presse. En se présentant comme des journaux légitimes, souvent dotés de sites web soignés et de titres proches de périodiques reconnus, les revues prédatrices ciblent les auteurs plutôt que les lecteurs. Leur promesse : publication rapide, évaluation " accélérée" par les pairs (peer review), visibilité mondiale. Leur réalité : une validation scientifique inexistante, des comités éditoriaux fictifs, et un retrait des articles quasi impossible.
Dans les sciences de la santé, où les preuves doivent être solides et les pratiques fondées, la présence d’articles scientifiquement non vérifiés publiés en quelques jours représente un risque réel. Pour un clinicien ou un décideur qui consulte rapidement une littérature abondante - et hétérogène - la frontière entre le rigoureux et le fallacieux peut devenir dangereusement poreuse. D’autant que les moteurs d’Intelligence Artificielle vont aller puiser tout ce qu’ils trouvent, et ne seront pas forcément capables de faire le tri entre des qualités d’information très différentes.
Une menace pour la crédibilité de la recherche publique
Le phénomène n’est pas anecdotique : sur environ 50 000 revues scientifiques à travers le mode, on estime à plus de 15 000 le nombre de revues prédatrices actives. Leur explosion est alimentée par trois tendances bien identifiées.
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