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La réforme du bac est en marche ! Retour sur l’opportunité de la réforme en cours

La réforme du bac est en marche ! Retour sur l’opportunité de la réforme en cours
Par Florence Darmon
25.01.2021

Fallait-il lancer une nouvelle réforme ?

Les statistiques de ces dernières années sont édifiantes, avec plus de 87 % de réussite aux épreuves du baccalauréat depuis 2013, et près de 80 % de jeunes d’une génération qui ont décroché le fameux sésame en 2018 et 2019 (contre 5 % en 1950, 20 % en 1970 et 65 % en 2010) !

Car malgré ces résultats énoncés avec enthousiasme année après année, le bac, considéré comme une clé d’entrée dans l’enseignement supérieur, est loin d’être un tremplin vers la réussite. Ainsi encore trop de jeunes se retrouvent en échec dans l’enseignement supérieur (73 % des étudiants n’obtiennent pas leur diplôme de Licence en trois ans, et 61 % des jeunes ne parviennent pas au terme des études dans lesquelles ils se sont engagés). De même, les enseignements de la voie professionnelle ne semblaient pas donner satisfaction au Ministère de l’Education Nationale, qui, dans son rapport préliminaire à la réforme du bac, soulignait que ces enseignements ne permettaient pas une insertion professionnelle réussie.

Par ailleurs le Ministère déplorait la concentration d’un grand nombre d’épreuves dans un temps très court, essentiellement en fin de l’année de Terminale, dont les résultats n’étaient pas toujours le reflet d’acquis solides, du fait du bachotage, et posait des difficultés en termes d’organisation : l’arrêt des cours au lycée pour les élèves de seconde et de première au milieu du mois de juin leur est préjudiciable au regard des programmes à boucler ; lourdeur et complexité dans la gestion des épreuves - 2 700 sujets en 2017 ; et mobilisation anormale des enseignants pour corriger 4 millions de copie en quelques jours.

On comprend ainsi que la difficulté d’organisation des épreuves finales dans un temps très court, au regard du nombre de voies d’accès au baccalauréat, entre le nombre de filières de la voie générale et le nombre de séries de la voie technologique, pouvait justifier aux yeux de certains une réforme de l’organisation des évaluations en fin du cycle secondaire.

En revanche, le taux de réussite au baccalauréat n’est-il pas le fruit d’une politique bienveillante, louable dans son intention mais peut-être trop bienveillante, visant à attribuer le bac au maximum d’élèves d’une génération ? Les excellents résultats du bac semblent en effet en contradiction avec les résultats de tests intermédiaires et internationaux, comme les tests CEDRE ou PISA, qui ne cessent de se dégrader au niveau de la France, ou l’enquête internationale TIMSS 2019 – dont les résultats édifiants sont parus début décembre 2020 : seulement 2% des élèves français sont classés en fin de 4ième à un niveau avancé, contre 11% pour la moyenne européenne et 50% à Singapour, Taïwan ou en Corée du Sud !  La France est ainsi loin derrière la Lituanie, la Hongrie ou la Turquie, et avant-dernier pays de l’OCDE devant le Chili … Si les résultats de ces différents tests ne cessent de se dégrader, alors que dans d’autres pays les ils s’améliorent, et si les résultats dans l’enseignement supérieur sont médiocres, ne pourrait-on en conclure que les résultats du baccalauréat – épreuve intermédiaire entre CEDRE, PISA ou TIMSS et le supérieur - ne sont pas le reflet du niveau qu’il faut justement avoir acquis pour passer dans le supérieur ? D’ailleurs les résultats de l’enquête TIMSS 2019, qui mettent en lumière le fait que « le niveau des élèves de 4ième aujourd’hui est égal à celui des élèves de 5ième de 1995 », ne sont pas remis en cause par le Ministère, qui bien au contraire s’appuie d’autant plus sur ces mauvais résultats pour pousser la légitimité de sa réforme du bac, engagée en 2018. Or est-ce en modifiant l’organisation des épreuves que l’on préparera mieux les élèves à entrer dans le supérieur, et n’aurait-il pas fallu plutôt revoir le niveau d’exigence de ces épreuves ? N’aurait-il pas fallu s’interroger sur la consolidation des acquis nécessaires ? Ou tout simplement accepter le fait que certains des élèves ayant décroché le bac, étaient en dessous de la moyenne des exigences requises pour entrer dans le supérieur, et n’auraient pas dû l’obtenir avec bienveillance mais auraient dû engager quelques efforts personnels supplémentaires ou auraient dû être mieux orientés en amont ? Bref trouver un juste milieu entre la bienveillance positive, dont on perçoit à nos dépends les limites, et le système de « sanction des études » à la française, tant décriée pour sa violence psychologique à l’égard de nos chères têtes blondes ?

Quelle a été la démarche adoptée ?

Au vu des constats dressés, le Ministre Jean-Michel Blanquer a engagé dès sa nomination en 2017 une vaste réforme, confortée d’après le ministère par les réflexions et contributions de plus de 250 représentants d’organisations et d’institutions lycéennes et universitaires, puis la concertation avec de nombreux partenaires (professeurs, proviseurs, inspecteurs, organisations syndicales, parents, étudiants, lycéens), et enfin une consultation massive en ligne, qui a obtenu plus de 46 000 réponses dont 85% de la part de lycéens.

Les enseignements dispensés au lycée devraient apporter aux jeunes les connaissances indispensables pour vivre et agir dans le XXIième siècle, comprendre les enjeux sociaux et environnementaux et être plus à l’aise avec les outils numériques à disposition, tout en repositionnant la France dans les enquêtes, à une place qui serait légitime au regard du rôle qu’elle entend jouer sur la scène internationale.

Ces objectifs et l’implication d’un grand nombre d’acteurs ont conduit à définir un programme d’enseignement rénové sur les trois années de lycée, général ou technologique, dans une logique d’exigence disciplinaire et de préparation à un parcours dans l’enseignement supérieur réussi. L’un des principes fondamentaux de cette réforme est par ailleurs d’accompagner les élèves dès la seconde dans une réflexion sur leurs aspirations et leurs motivations. Ce nouveau programme a été mis en place dès la rentrée de septembre 2018, pour des premiers bacheliers bénéficiaires de cette nouvelle réforme, qui seront diplômés en 2021.

Ainsi on peut penser que mieux préparés et mieux informés, les élèves pourraient, tout au long de leur trois années de parcours, choisir des enseignements optionnels et de spécialités répondant à leurs aspirations, incitant à une implication personnelle accrue. Plus motivés et mieux avertis, donc mieux préparés, leur engagement dans le supérieur devrait conduire à un taux de réussite plus en adéquation avec les taux de réussite constatés au baccalauréat. Cet accompagnement, s’il est effectivement mené de façon individuelle et surtout exhaustive, c’est à dire effectif pour chacun, serait à n’en pas douter une véritable amélioration par rapport à la situation précédente.

Toutefois, on peut s’étonner, que ce système « d’accompagnement personnalisé », qui préexistait à la réforme de 2018, n’ait tout simplement pas fait l’objet d’une surveillance renforcée, afin d’être effectif, c’est-à-dire tout simplement appliqué pour 100 % des élèves. De même, on peut être étonné que le contenu des programmes, revus avec l’ensemble de la communauté éducative et soumis aux élèves eux-mêmes pour avis, n’aient pas fait l’objet d’une consultation des milieux professionnels, puisque la préparation à l’entrée dans la vie active était un des objectifs clairement affichés ? Ces nouveaux programmes offriront-ils cette amélioration recherchée, si ceux qui sont intéressés au premier chef n’ont pas été associés à cette réforme, présentée comme salvatrice pour toute une génération de jeunes ?

Ainsi fallait-il relancer une n-ième réforme du bac ou réfléchir d’abord à une réforme du système lui-même et de ses failles ?

Dans notre prochain article, nous exposerons le détail de cette réforme, et tenterons de clarifier les nouveaux choix proposés aux élèves du secondaire.

Par Florence Darmon
25.01.2021
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Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon ; enquête engagée depuis 2003, qui permet de mesurer les compétences des élèves en fin d’école et en fin de collège, par matière et cycle récurrent de 6 ans

Programme international pour le suivi des acquis des élèves, piloté par l’OCDE ; L'étude est menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans ; PISA 2018 ce sont : 79 pays participants, 252 établissements en France métropolitaine et Outre-mer, 7 000 élèves qui ont défendu les couleurs de la France

Trends in Mathematics and Science Study, enquête réalisée en fin de 4ième dans une cinquantaine de pays