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Formation et écosystèmes locaux

Formation et écosystèmes locaux
Par Florence Darmon
28.09.2021

Si les universités ont été créées à partir du Moyen Age par les pouvoirs locaux, économiques ou religieux, à partir d’une initiative locale, la création des grandes écoles au XVIIIème siècle a été, au départ, initiée en région parisienne, par un pouvoir central qui trouvait que les universités formaient trop peu à de nouveaux métiers nécessaires (Mines, Ponts, Artillerie, enseignants),. Au fil du temps, la délocalisation d’écoles en région ou l’implantation de nouvelles « antennes » d’une école antérieure ont montré que le succès de ces implantations territoriales était le fruit d’un intérêt partagé des établissements d’enseignement, des acteurs économiques locaux et des collectivités territoriales.

Mais quels en sont les facteurs objectifs de succès ? Nous recensons ci-après un certain nombre de ces facteurs qui font que l’alchimie opère.

Tout d’abord, soulignons que, dans le but d’accompagner le développement du secteur industriel ou le développement économique de l’ensemble du territoire français, certaines grandes écoles ont été délocalisées en régions, par une décision institutionnelle. En témoignent des écoles comme Supaéro ou l'ENAC, créées respectivement en 1909 et 1949 en région parisienne, et qui rejoindront Toulouse, cœur industriel de l’industrie aéronautique et spatiale, en 1968. Il en est de même pour l’ENTPE, créée en 1954 dans le giron de l’ESTP, et qui déménagea du Bd St Germain à Vaulx en Velin (banlieue de Lyon) en 1975.

De leur côté, les écoles de commerce et de management ont essaimé sur tout le territoire. La première, l’ESCP,  fut ainsi créée à Paris en 1819 avant que d’autres ne fleurissent entre les années 1871 et 1900 au Havre, à Rouen, Lyon, Bordeaux, Dijon ou Nantes, à partir d’initiatives locales qui s’inspiraient de ce qui avait été fait à Paris. Aujourd’hui, elles sont une quarantaine, dont vingt-trois sont implantées en région, à délivrer un grade de Master.

En ce qui concerne les écoles nationales d’architecture, les ENSA - initialement rattachées à l’école des Beaux-Arts de Paris - la vivacité des débats dans les milieux artistiques en 1968 a été l’occasion d’une explosion de la maison mère parisienne, qui a conduit à une dissémination en régions ; elles représentent aujourd’hui vingt établissements distincts implantés à Rennes, Lyon, Rouen, Strasbourg, Saint-Étienne, etc.

Il apparait ainsi, dans une grande majorité des cas, que le succès de ces implantations a été la rencontre des intérêts des établissements, des acteurs économiques locaux et des collectivités territoriales, mus par un intérêt mutuel.

Ainsi, d’un côté pour l’établissement, s’implanter au cœur d’une région dont l’industrie est très proche des enseignements dispensés permet indéniablement de concevoir (ou de moderniser) ses programmes (de formations initiales ou continues) en tenant compte des besoins qualitatifs et quantitatifs des métiers, de définir de façon concertée les compétences attendues dans l’exercice de ces métiers, d’associer aux enseignements des professeurs issus du monde professionnel, d’offrir des stages tout au long du cursus de formation et enfin de garantir aux jeunes diplômés une employabilité élevée. De même les travaux de recherche peuvent être définis et portés plus aisément au sein des établissements, en partenariat avec les industriels concernés. Certains enseignements, et donc certains établissements, peuvent intéresser plus largement les territoires, comme c’est le cas pour la construction en général, le génie civil et le bâtiment, indispensable à toutes les échelles, en tout lieu et en tout temps. Les écoles qui délivrent de tels enseignements peuvent ainsi trouver, au-delà des appuis industriels, des appuis locaux plus institutionnels. Cela a été successivement le cas pour l’ENTPE comme évoqué ci-dessus, mais également pour les ESITC de Metz et de Caen créées localement en 1992 et 1993, puis pour l’ESTP Paris, créée en 1891 à Paris, et qui s’est développée en 2017 sur l’agglomération de Troyes, puis en 2019 sur Dijon, et dont la prochaine implantation devrait être Orléans en 2022.

D’un autre côté, les acteurs économiques implantés en régions, même de grand renom, pourront attirer un plus vaste vivier de jeunes étudiants et diplômés, s’ils peuvent les accompagner à différents moments de leur cursus, et ainsi mieux faire connaitre leurs projets, leurs valeurs, leurs modes de management, grâce à des interventions diversifiées : cours, conférences, visites de leurs installations, stages, etc.

Enfin, les collectivités locales qui souhaitent accélérer leur développement, économique ou démographique, auront intérêt à attirer les jeunes au début de leur vie d’adulte, à un moment où les amitiés par affinité se forgent, en amont de la vie professionnelle : effectuer ses études tout en profitant du patrimoine et de la vie locale, permet d’en découvrir les attraits, ce qui peut inciter à s’y implanter plus fortement et durablement que parachuté pour un premier emploi, souvent plus chronophage, lorsqu’on a pour ambition d’y faire ses preuves. Retenir les jeunes par une offre de formation plus diversifiée, alliée à une certaine qualité de vie et une large offre d’emplois sont autant de facteurs qui augmenteront encore le souhait des jeunes diplômés de s’implanter durablement.

On observe ainsi, que si ces trois types de partenaires allient leurs forces, leurs projets deviennent à la fois communs et complémentaires et constituent un excellent terreau de développement de chacun, dans ses missions propres.

Pour chacune des parties, définir les conditions d’implantation d’un établissement d’enseignement supérieur, c’est mieux connaitre et partager les objectifs de chacun de ses partenaires, en termes de modernisation, de vitesse de croissance, de projet stratégique ; c’est également se donner les moyens d’offrir aux étudiants et aux équipes accueillies les moyens indispensables : des installations pédagogiques et de recherche « à la page », mais également des logements, des équipements sportifs, des lieux de vie, des transports facilités et des bourses si nécessaire.

Toutefois, tout projet de développement a un coût et un bon partenariat est un partenariat équilibré. Chacun des partenaires doit donc savoir écouter les autres, mesurer les besoins effectifs de chacun dans un contexte international (niveaux des diplômes délivrés et leur qualité ; nombre de diplômés requis par le marché local, national ou international ; existence de concurrence), définir un business plan commun (investissements à court, moyen et long termes ; progressivité des effectifs accueillis) et enfin apporter sa participation en fonction de ses propres moyens humains, patrimoniaux, techniques ou financiers.

Former des jeunes, façonne l’avenir de la France, mais aussi de ses territoires et de ses entreprises ; donnons à cet enjeu le soin nécessaire, pour que les jeunes trouvent chacun une place en fonction de ses aspirations (métier, localisation, bien-être, …), que les entreprises puissent recruter les compétences nécessaires, et que les territoires soient effectivement durables.

Par Florence Darmon
28.09.2021