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La réforme du 2ème cycle (R2C) des études médicales

La réforme du 2ème cycle (R2C) des études médicales
Par Gérard Friedlander
15.11.2021

Dès septembre 2021, les étudiants de 4ème année d’études de médecine seront les premiers concernés par la R2C. Fin des ECN, approche par compétences, préprofessionnalisation, nouveaux classements. Il s’agit d’une réforme de fond dont la préparation et la mise en place à marche forcée, en pleine période de pandémie, est accueillie avec crainte et suspicion.

Après la réforme du troisième cycle des études médicales (R3C) en 2017, la réforme du premier cycle des études de santé (R1C) en 2020, place à la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C) à la rentrée 2021.

Repoussée d’un an en raison de la crise sanitaire, la réforme doit être pleinement instaurée à partir de septembre 2021 pour les étudiants entrant en quatrième année de médecine, ou autrement dit en première année d’externat (DFASM1).

Un 2ème cycle réorganisé

Refonte des programmes, nouvelles approches pédagogiques. "C’est une réforme importante où l’on passe d’un paradigme d’enseignement à un paradigme d’apprentissage", dit Marc Braun, doyen de la faculté de médecine de Lorraine et chargé de mission pour la mise en place de la R2C.

C’est toute une façon d’apprendre qui devrait changer avec cette réforme. Les programmes seront réduits, les maquettes revues avec de nouvelles unités d’enseignement, l’accompagnement des étudiants par les enseignants plus important et la pédagogie avant tout axée sur les compétences plutôt que les connaissances. L’accent est mis sur l’apprentissage du raisonnement clinique (n’était-ce pas déjà le cas dans les stages cliniques ?)

Suppression des ECN (« pour de faux ») au profit d’un "matching"

Autant de nouveautés qui s’appliqueront pendant les trois années d’externat, et donc jusqu'en sixième année de médecine. Année cruciale pour les étudiants qui, jusqu’à présent, passaient les épreuves classantes nationales, les ECN, en fin de 6ème année. Ces examens donnaient lieu à un classement national permettant ensuite de définir la spécialité et le lieu d’affectation des futurs médecins pour leur internat, selon le choix rendu possible par le classement du candidat. Vivement critiquées depuis des années, les ECN (dont la version informatisée n’a vu le jour qu’il y a cinq ans…) vont bel et bien disparaître. 

Les ECN seront donc supprimées à compter de 2024 (lorsque les actuels étudiants en quatrième année entreront en sixième année) au profit d’un "matching". Ces nouveaux examens se dérouleront en deux temps lors de la sixième année. Le "matching" se composera à 60% d’épreuves dématérialisées nationales (EDN), à 30% d’ECOS (examens cliniques objectifs et structurés) et à 10% de valorisation du parcours universitaire. De quoi allier connaissances, compétences universitaires et compétences transversales. La réussite aux ECOS sera nécessaire pour valider les EDN. 

Plus concrètement, les EDN seront moins longues que les ECN actuelles puisque les épreuves de sur-spécialisation seront supprimées. La réussite à cette épreuve sera nécessaire à l’inscription dans la procédure de matching. La hiérarchisation des objectifs de connaissances théoriques en trois rangs de complexité (A, B et C, par ordre de complexité croissant) a été réalisée sous l’égide de la Conférence des Doyens de facultés de médecine et de la Coordination Nationale des Collèges d’Enseignants en Médecine. Ce travail conséquent doit permettre une réduction de la quantité de connaissances surspécialisées attendues des étudiants dans le cadre du deuxième cycle. Quelques nouveaux items ont été ajoutés au programme, principalement dans le domaine des sciences humaines et sociales en santé. Bref, des ECN « relookées », simplifiées et organisées en début et non en fin de 6ème année.

Les ECOS permettront d’apprécier le raisonnement, le comportement et la capacité à communiquer des futurs internes. Ces futurs soignants y seront préparés tout au long de l’année avant l’examen final en mai. Chaque étudiant sera évalué à travers une situation de départ, parmi les quelque 356 items (rédaction d’une ordonnance, prévention auprès d’un malade, prise en charge d’un patient…). Ces examens pratiques, complexes à organiser et épouvantablement chronophages pour les enseignants, remplaceront ceux qu’on nommait les « cliniques » il y a quelques décennies. 

Quant au parcours de l’étudiant, il prendra en compte les différents engagements, la mobilité internationale, un double cursus éventuel, une formation à la recherche… Une "plus-value" qu’il va être très difficile de quantifier.

Préparation de l’internat

La sixième année ne sera donc pas exactement la même que celle que l’on connait actuellement.  Séparer les examens permet aussi d’envisager autrement cette dernière année d’externat. Elle sera davantage assimilée à une année de préprofessionnalisation avec la possibilité d’effectuer différents stages. 

Autre différence majeure avec la situation actuelle : il n’y aura plus désormais de classement unique pour les 9000 étudiants de 6ème année mais un classement par spécialité (soit 44), avec en face les vœux hiérarchisés des étudiants. L’algorithme proposera alors les meilleures affectations... On n’en sait pas plus aujourd’hui (coefficients différents pour ma même matière selon la spécialité, modalités de "lissage" national, etc.) ; c’est dire l’anxiété des futurs internes dans l’attente de ces précisions indispensables ! Quoi qu’il arrive, en 2021 comme en 2024, le passage de l’externat à l’internat restera un moment important de la vie d’un étudiant en médecine, réforme ou non.

Années de transition 2021–2024

Les étudiants entrés en 4ème année d’études de médecine à la rentrée 2021 bénéficieront, en partie, de la réforme. En 2024, les externes passeront bien les derniers ECN mais de manière adaptée. Les épreuves seront modifiées car basées sur le nouveau référentiel de connaissances. Ils passeront aussi les ECOS. Mais pas de changement côté classement final : il sera unique et la procédure d’affectation restera la même qu’actuellement.

Pour conclure (provisoirement)

Un 2ème cycle raccourci, nécessairement allégé en termes de connaissances exigibles, un accent mis sur le savoir-faire (compétences) et le savoir-être (comportement) sont les aspects saillants de cette réforme. Pièce maîtresse et centrale de la réforme des études en santé, mise en place « à la hussarde » pour ne pas dire dans la précipitation, cette réforme du 2ème cycle ne semble pas répondre à quelques questions-clé des carrières médicales et de la pratique de la médecine en France : comment apprendre aux étudiants à apprendre tout au long de leur carrière dans un domaine aussi évolutif ? Ce qui n’a pas été appris au cours du 2ème cycle devra l’être au cours du 3ème cycle : comment ? Comment ouvrir le champ des possibles sur les nouveaux métiers de la santé et sur la place grandissante de la santé numérique ? Comment lutter plus efficacement contre les déserts médicaux qui se multiplient en France, creusant l’inégalité de l’accès aux soins ?

Par Gérard Friedlander
15.11.2021