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Service public et quête de sens des jeunes: un cruel paradoxe

Service public et quête de sens des jeunes: un cruel paradoxe
Par Pierre Tapie
28.04.2023

Le succès de Greta Thunberg, les prises de parole « hors système » lors de prestigieuses remises de diplômes et les exigences considérables des jeunes diplômés vis-à-vis de leurs employeurs sont autant de signes d’une quête de sens renouvelée des jeunes générations. 

En France, pour ne parler que de notre territoire, les jeunes veulent un travail utile et qui a du sens, qui contribue concrètement à faire un peu de bien à leurs semblables, à la planète, à une cause. Ils sont prêts à de grands efforts et de vrais sacrifices pour être cohérents avec cette exigence. 

Trop d’institutions publiques traitent assez mal leurs personnels pour donner envie à d’autres de les rejoindre.

Dans ces conditions, les métiers du service public : Éducation nationale, hôpital et université, entre autres, devraient enregistrer un gain considérable d’attractivité, mesurable sur une période de quelques années. Or, c’est l’inverse qui se produit, tout particulièrement dans la fonction publique hospitalière et l’Éducation nationale. 

Soignants et enseignants démissionnent

Bien sûr, l’épuisement généré par la crise Covid est l’un des facteurs explicatifs pour les fonctionnaires qui étaient déjà en poste : les soignants, en première ligne, mais aussi les enseignants, qui ont été confrontés à un pilotage très chaotique de leur activité. Mais il n’est sans doute pas le seul. 

Les importantes revalorisations, fruits du Ségur de la santé, semblent n’avoir eu guère d’effet sur l’attractivité de ces corps. Au contraire, des soignants partent et des enseignants démissionnent, dans des proportions inédites, alors que ces métiers les plus immédiatement généreux de la fonction publique, portés sur l’enseignement et le soin, devraient attirer davantage parmi ces jeunes générations très engagées. 

Maltraitance organisationnelle 

Pour tenter d’éclairer cette contradiction, nous osons proposer une hypothèse vigoureuse, qui n’est en rien un jugement : la maltraitance organisationnelle perçue et souvent vécue et racontée par les personnels est trop forte et trop publique pour attirer des jeunes devenus exigeants en matière de gestion des personnes et des organisations. 

Trop d’institutions publiques traitent assez « mal » leurs personnels pour donner envie à d’autres de les rejoindre. 

Certains salaires sont sans doute trop modestes ; mais surtout des règles sédimentées trop nombreuses, des managers de proximité trop peu préparés à la part de management des personnes et des organisations intrinsèque à leur fonction, trop peu libres de prendre initiatives et responsabilités à cause de règles stérilisantes, des collectifs de travail où l’application des 35 heures sans recrutement de postes nouveaux a paradoxalement entraîné une chosification du travail, avec des pauses minutées, et une pression de stress accrue pour faire le même travail en moins de temps.

Tout cela est visible, connu et dissuade les jeunes de postuler pour ces métiers qui font grand sens. 

Agilité et responsabilisation

Les grandes associations non lucratives de mission de service public, dans la santé ou l’éducation, connaissent au contraire une attractivité renforcée. Parce qu’un métier qui a du sens pour les salariés peut y être associé à une agilité, une responsabilisation, une participation à la mission par des engagements très concrets, décrits au plus près du terrain. 

Face à tant de mal-être et à ces difficultés à recruter dans la fonction publique, a-t-on fait l’hypothèse qu’il pourrait ne s’agir avant tout que de développement des personnes et de management avisé des collectifs ? Et si, alors, l’enthousiasme réapparaissait ?

Par Pierre Tapie
28.04.2023