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Premier cycle des études de santé en France : mutations successives et glissements progressifs

Premier cycle des études de santé en France : mutations successives et glissements progressifs
Par Gérard Friedlander
25.04.2021

Bref Historique

C’est en 1934 qu’apparait le certificat d’études physiques, chimiques et biologiques (dit PCB), un certificat d’études préparé dans les facultés des sciences et dont la détention était nécessaire pour entreprendre des études dans les facultés et écoles de médecine. Les études duraient alors 6 ans, l’externat était un concours (facultatif) et l’internat un concours très sélectif, avec écrit et oral. C’est dire que l’on pouvait décrocher son diplôme de médecin… sans avoir appris à examiner des malades « sur le terrain ».

En 1963, un certificat préparatoire, intitulé certificat préparatoire aux études médicales (CPEM) est établi avec au cours de l’année préparatoire 430 h organisées par les facultés des sciences et 170 h par les facultés de médecine. En 1969 est mis en place le premier cycle des études médicales (PCEM) en 2 ans avec instauration en 1971 d’un numerus clausus pour le passage en deuxième année, le nombre d’années d’études total revient donc à 7 années après avoir été longtemps de 6 ans.

La première année commune aux études de santé (PACES), créée par la loi du 7 juillet 2009, entre en vigueur à compter de l’année universitaire 2010-2011. Elle résulte de la fusion entre la première année du premier cycle d’études médicales (PCEM1) (médecine, odontologie, maïeutique) et la première année du premier cycle des études de pharmacie (PCEP1).

Outre la sélection des futurs professionnels de santé médicaux et pharmaceutiques, l’objectif de la PACES est également de faciliter la réorientation, notamment précoce, des nombreux candidats aux concours de santé n’étant pas parvenus à figurer en rang utile sur la liste de classement correspondant à une filière médicale ou pharmaceutique.

Pour remédier aux taux d’échecs élevés des étudiants aux différents concours de la PACES, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013 instaure plusieurs passerelles expérimentales permettant l’accès aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de maïeutique. L’expérience est ouverte pour une durée de six ans, étendue à huit en 2018.

La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé supprime la PACES et le numerus clausus à compter de la rentrée universitaire 2020. La PACES est remplacée par le parcours accès santé spécifique (PASS) et la licence accès santé (LAS).

Quel regard poser sur ces réformes ?

1. Jusqu’aux années 1970, l’entrée dans l’enseignement supérieur des futurs étudiants en médecine/médecins se déroulait en totalité ou en partie en faculté des sciences. C’est lors de la création des CHU et de l’éclatement des facultés de médecine « centrales » que la relocalisation du premier cycle dans les seules facultés de médecine est opérée. Évolution paradoxale à une époque où l’empreinte scientifique est de plus en plus importante en médecine. Cela conduira d’ailleurs à créer un nouveau corps d’élite, les étudiants qui suivent un double cursus, scientifique et médical (équivalant du MD, PhD anglo-saxon).

2. L’irruption du numerus clausus en 1971 a un objectif principal : limiter/contrôler les dépenses de santé en contrôlant/restreignant le nombre de médecins formés. La volonté de garantir la haute qualité des médecins, par une sélection sévère, était possiblement un objectif secondaire. Ce numerus clausus a connu de grandes variations, de 3500 médecins formés par an en 1993 à 9300 en 2020, pour des besoins sanitaires dans les territoires. Il faut rappeler que, compte-tenu de la durée des études de médecine (au moins neuf ans), toute modification du numerus clausus à l’entrée dans les études n’aura un impact sur le nombre de jeunes médecins à la sortie des études que…. neuf ans plus tard.

3. La grande affaire de la sélection à l’entrée des études médicales/en santé, jugée de plus en plus insupportable au fur et à mesure des années, a fait l’objet d’un traitement spécifique. Déjà stringente dans les années 1960, elle est devenue importante lorsque le numerus clausus a été instauré. C’est la PACES qui en a précipité le rejet : études focalisées, droit à un redoublement, échec pour 80% des étudiants entrant dans la filière, c’était trop. D’où les dérivations (passerelles expérimentales) puis la « PACES en 1 an » et, enfin, la licence accès santé (LAS) qui devrait fournir 35 à 40 % des étudiants en médecine en régime de croisière. Bien entendu, l’accès à la filière médicale à partir d’une licence sera soumis à un contrôle strict des connaissances et des aptitudes à entrer dans cette filière.

4. L’annonce récente, spectaculaire, de la fin du numerus clausus a été, à tort, interprétée comme la suppression de toute sélection à l’entrée des études en santé. Il n’en est bien sûr rien. La mise en place de Parcoursup, tri informatique des étudiants éligibles à ces études sur des critères de qualité des études secondaires, a remplacé tout concours et la notion de capacité d’accueil des facultés s’est substituée à celle de besoin de la nation.

5. Du côté des points positifs, l’architecture de la formation conduisant aux professions de santé s’est enrichie : les métiers de la pharmacie ne devraient plus être un choix par dépit pour les recalés de la médecine, l’universitarisation de la formation des professions paramédicales permettra l’émergence de nouveaux métiers dont le large spectre de la santé a besoin

6. Du côté des points incertains, le déploiement de la réforme récente s’est heurté à un degré d’impréparation certain, à une absence de moyens dédiés et à une cadence imposée qui font douter même les plus volontaristes de sa réalité dans les temps impartis. Cette précipitation est dommageable en cela qu’elle affaiblit l’impact d’une réforme pourtant nécessaire.

S’il est un domaine qui nous concerne tous et auquel nous attachons un intérêt particulier, c’est celui de la santé. Domaine mouvant, versatile, avide d’innovations provenant souvent des sciences « dures » (physique, chimie, informatique, etc…) et humaines. L’adaptation de la formation à ces évolutions est une impérieuse nécessité, quantitative et qualitative. Ce n’est que dans dix à vingt ans que nous saurons si les réformes récentes auront porté de beaux fruits.

Par Gérard Friedlander
25.04.2021