Une critique régulièrement adressée aux classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) en général fait de ces parcours d’accès à l’enseignement supérieur spécifiques à la France une voie éminemment élitiste sur le plan social. Un précédent article a montré que l’habituel procès en manque d’ouverture sociale de ces classes est assez largement infondé. Il s’agit ici d’interroger la vision des CPGE comme des machines à maltraiter des étudiants qui, pour une bonne part, resteraient sur le carreau, faute de classement satisfaisant aux concours. Au-delà des discours où le présupposé et les postures priment sur l’analyse, il est indispensable d’en revenir aux faits.
Les CPGE scientifiques apparaissent d’abord comme un formidable instrument de formation des étudiants qui empruntent cette voie d’accès à l’enseignement supérieur. Ces parcours constituent en effet un atout irremplaçable pour les futurs ingénieurs et scientifiques qui les empruntent, notamment grâce à l’acquisition de quatre compétences principales : une grande capacité de travail, d’organisation de son travail, d’acquisition de connaissances fondamentales extrêmement solides et, enfin, le développement d’un esprit conceptuel renforçant l’aptitude au raisonnement abstrait. Or, ces compétences seront acquises par l’immense majorité des étudiants. Il est en effet utile de rappeler ici que les CPGE se caractérisent par une très faible part d’abandon en cours de scolarité, et donc, par un très fort taux de succès : 90 % des étudiants qui entrent en CPGE scientifiques passent en deuxième année et 86 % de ceux entrés en première année obtiennent un diplôme d’école de niveau au moins égal au master1. Ce taux d’abandon de 14 % est extrêmement faible au regard de celui observé dans la moyenne des parcours d’enseignement supérieur (lien vers article n°2). Il faut en outre souligner que l’abandon en CPGE se traduit généralement par une réussite supérieure à la moyenne en parcours universitaire, notamment grâce à ces acquis de méthode et aux habitudes de travail prises.
Ensuite, le niveau de sélectivité des CPGE scientifiques mérite d’être reconsidéré à la lumière objective des chiffres, sans a priori. Se dévoile alors une double réalité qui éclaire le débat d’un jour nouveau.
D’une part, le très fort taux de succès à l’intégration, donc la très faible part de non-intégration involontaire, se mesure à travers le ratio candidats/places disponibles en écoles. On constate que 93,4 % des candidats classés aux concours 2021 ont obtenu au moins une proposition d’intégration dans une école (20 975 candidats ayant reçu une proposition au premier appel + 311 premières propositions aux appels suivants, sur 22 775 candidats classés. Source : Commission Amont CGE). [SB1] [EG2] En d’autres termes, les candidats n’ayant eu aucune possibilité d’intégrer une grande école en 2021 étaient moins de 7 %.
D’autre part, on observe que le taux de remplissage des écoles (% entrants/places ouvertes) est inférieur à 100 % pour l’ensemble des filières (à l’exception de TSI). Il fluctue entre 71,43 % (TPC) et 97,74 % (PCPST), la moyenne du taux de remplissage s’établissant à 90,63 % en 2021 (taux constant à 1 point près depuis cinq ans). On est donc très loin d’une situation de sélection par l’échec en sortie de classes préparatoires, puisque des places restent non pourvues dans les écoles. Cette situation s’explique principalement par la volonté de certains étudiants admis de ne pas intégrer et de refaire une année de préparation (« faire 5/2 », ou « cuber ») afin d’obtenir une école de plus haut niveau, ainsi que par la mauvaise adéquation du niveau de concours choisi aux capacités de succès du candidat (les places vacantes se situant principalement dans les écoles du dernier tiers des classements, auxquelles tous les étudiants ne postulent pas).
Il est à noter que le taux de remplissage est légèrement supérieur pour les grandes écoles de management en sortie de CPGE économiques et commerciales (95 % en moyenne, à + ou – 1 point depuis 3 ans), avec un taux d’intégration nettement inférieur à celui des écoles d’ingénieurs (75 % en moyenne à + ou – 1 point depuis 3 ans).
Au final, l’analyse des données chiffrées révèle que les concours d’accès aux écoles post-CPGE scientifiques constituent de fait une voie de répartition des étudiants, en fonction de leur niveau et de leurs performances aux épreuves, entre des écoles dont les exigences à l’entrée ne sont pas les mêmes, bien plus qu’une forme de sélection. Dans la mesure où, de surcroît, la quasi-totalité des élèves bénéficie réellement de la pédagogie mise en œuvre, comme l’indique la faiblesse du taux d’abandon en cours d’études, il y a tout lieu d’affirmer, sans idée préconçue, que les CPGE scientifiques sont avant tout un parcours de réussite pour leurs étudiants. La vraie sélection sociale réside sans doute à l’accès à cette information, qui, comme pour toutes les questions d’orientation, est très dépendante de l’origine sociale des jeunes.
Lisez l'Essentiel Paxter consacré à la question : Les CPGE, une originalité française